À la rencontre de nos clients… Avec Damien Cividini.
Une idée nous est venue. Mais qui nous passe commande ? Quelle vie se déroule autour de la tasse de thé venant de chez nous ?
On s’est donc dit que, ponctuellement, nous allons aller à la rencontre de nos clients pour en savoir plus sur vous, vos métiers, vos activités, vos goûts & inspirations.
On continue cette série d’articles avec Damien, chercheur et musicien entre Strasbourg et Nancy.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Damien, 36 ans 3/4, je suis d’origine strasbourgeoise mais nancéien depuis maintenant 6 ans pour des raisons professionnelles. Cela dit, mon coeur est et sera toujours strasbourgeois, que ce soit pour la ville elle-même (toujours aussi magnifique), mes souvenirs d’enfance ou ma vie sociale actuelle qui y a des racines bien solides.
Que fais-tu dans la vie ?
Professionnellement, je suis ingénieur d’études au Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques. Mon boulot consiste au sein d’une équipe à faire tourner les grosses machines qui nous permettent d’analyser tout type d’échantillons géologiques (météorites, basaltes océaniques, granites de reliefs montagneux, …). Pour faire court, ces analyses permettent d’accéder à des informations capitales dans des thèmes aussi larges que la formation du système solaire, le traçage de pollutions ou les cycles climatiques.
Alors, à côté de ça, ma vie perso c’est un peu 10 000 trucs en même temps… Je vis avec ma femme à la campagne, on est entourés de nos animaux (chats, lapins, poules, cannes, …), dans un patelin complètement paumé, un endroit qui fait du bien. Tu peux voir le soleil se lever sur la campagne brumeuse le matin avant de retourner dans la froideur de la ville pour bosser, tu peux apercevoir de magnifiques renards le soir quand tu rentres de répètes, etc…
Donc répètes, oui, parce que je joue dans plusieurs groupes, tous « metal » mais de styles très très différents (vu que le metal c’est genre 150 déclinaisons extrêmement nuancées). Ça donne beaucoup de concerts et de rencontres en Europe (et même plus loin) toute l’année. Je suis aussi un addict total au cinéma, je regarde des films un peu tout le temps, c’est limite une obsession.
Tu as un côté Docteur Jekyll et Mister Hyde entre ta vie pro et extra pro. Comment arrives-tu à concilier les deux ?
Je pense qu’on a tous une dualité entre celui qu’on est au taf et dans la vie perso, et notre bien-être vient de la bonne balance entre ce qu’on DOIT faire (travailler, tout simplement) et ce qu’on VEUT faire (nos passions). Perso parfois ça me désespère de réaliser que je n’aurai jamais assez de temps pour explorer tout ce qui m’intéresse, mais comme tout le monde, faut bien remplir le frigo (de bières, majoritairement), et je ne suis pas à plaindre.
Mon job est vraiment une belle opportunité, dans notre contexte actuel. Je me considère comme un privilégié d’avoir un taf intéressant et ne pas avoir peur de me retrouver à la rue la semaine prochaine.

Après c’est sûr que mon look ne colle en apparence pas vraiment au scientifique qu’on pourrait s’imaginer (je suis plus proche du punk que de l’intello quand on me croise) donc ça me vaut parfois quelques regards inquiets au labo. Mais quand je bosse tous ces préjugés passent vite à la trappe car je tâche d’être le plus rigoureux possible comme n’importe quel mec en costard qui veut bien faire son taf. En ce qui me concerne, ce calme et ce sérieux quotidien n’est possible que parce que, quand viennent les concerts, la folie et la transe musicale reprennent leur droit.
En fait, je crois vraiment que c’est parce que je peux m’exorciser le week-end de mes démons intérieurs et de mon sérieux que je peux ensuite me concentrer comme il faut sur le quotidien, faire un peu d’introspection au calme, pour ensuite relâcher tout ça le week-end d’après, et ainsi de suite. Ma vie à la campagne avec ma femme est très posée, très grand-père/tisane/plaid/films, et j’adore ça.
Parle nous de ta passion pour la musique et plus particulièrement les musiques extrêmes, comment en es-tu arrivé là ?
Je relisais l’article consacré à un de vos clients écrivains tout à l’heure, et en fait ma passion est mue par des pulsions similaires que ce qui lui donne envie d’écrire: frustration, mélancolie, colère et douleur profondément enracinées. Les affects sont les mêmes pour tout le monde, c’est juste le vecteur qui diffère. Pour moi, c’est de la musique rageuse, douloureuse, sincère, sans fausse pudeur. Nous sommes tous grosso modo désespérés par le monde qui nous entoure pour peu qu’on sorte un peu de sa bulle. Le monde part quand même bien de travers de toutes les manières possibles, on a peur de perdre nos proches, on n’a pas d’autre choix que de vivre avec qui on est et ce qu’on est, même si l’on se déçoit régulièrement. Donc si on n’arrive pas à exprimer un minimum tout ça, c’est la folie au bout de la route. S’exprimer au maximum par différents vecteurs pour mieux s’accepter, pour mieux aimer nos proches, c’est pour ça que la musique extrême a pris une place aussi importante dans ma vie.
Comme beaucoup je me suis acheté une gratte un jour parce que j’écoutais Metallica, et de fil en aiguille ça a suffisamment évolué pour que je tente mes propres compos ou que j’intègre des groupes déjà existants dont la musique me va direct aux tripes. Je ne serai jamais un guitar hero et ça m’intéresse pas (de toute façon ça me ferait chier de faire du technique), je tente d’évoluer dans des compos aussi organiques, sincères et cathartiques que possible.

Est-ce qu’en intégrant Inhumate tu pensais un seul instant aller jouer jusqu’à Cuba ou au Japon ? Une expérience marquante liée au groupe ?
Inhumate est clairement une des rencontres qui a RÉELLEMENT changé ma vie. Je suis arrivé dans ce groupe qui avait de la bouteille depuis 15 ans, alors que moi je n’avais jamais fait de scène et j’avais 10 ans de moins qu’eux. Je me suis retrouvé au milieu d’une musique extrême ET bienveillante, qui sait transformer toute notre crasse interne en énergie positive et communicative.
Ajoute à ça une philosophie scénique indépendante sans jamais aucun opportunisme rockstar qui fait la pose, et tu as LE groupe qu’il me fallait. Je crois que j’ai fait quelque chose comme 16 pays avec eux, 3 continents, plus de 150 concerts, et 1000 fois plus de rencontres dingues, que ce soit le salary man en chemise blanche et attaché case de Tokyo qui sort du taf pour venir direct péter un câble sur ta musique de « dégénéré » (comme c’est encore souvent vu en France, malheureusement..) ou alors un Cubain qui vient te voir les larmes aux yeux pour te dire que telle chanson lui a tapé dans les tripes. Mais en fait c’est toi qui as envie de lui dire merci, parce que c’est lui qui t’a touché par sa présence. On peut vraiment atteindre cette complicité et cette transe avec le public, du moment que tu lui proposes quelque chose sans artifice et sans stupide hiérarchie du genre « moi je suis sur la scène, toi t’es en bas ».
Ce groupe m’a donné suffisamment confiance en moi pour créer par la suite DeadMen, postcore de Nancy où je fais guitare/chant (c’est mon petit bébé, ce groupe), et j’ai depuis intégré à la basse une autre formation postmetal/doom (The Man & The Abyss) à Strasbourg auquel je crois aussi énormément. Ça fait beaucoup, ça demande de la logistique pour ne pas négliger ma vie personnelle qui est encore plus importante, mais je ne pourrais pas me passer de cette activité musicale.
Que fais-tu en dehors de la musique ?
Le cinéma c’est mon autre pilier indispensable, je suis particulièrement passionné par le ciné US des 70’s et l’ensemble du cinéma américain en général, des prémices de Griffth il y a plus d’un siècle aux œuvres de James Gray ou Wes Anderson maintenant. J’appuie cette cinéphagie de beaucoup de lecture de bouquins de ciné de spécialistes comme Jean-Baptiste Thoret qui est mon phare intellectuel.
Je t’avoue que même si je vais aussi voir des nouveautés de temps en temps, je passe plus de temps à approfondir les pans de cinéma que je ne connais pas encore assez bien à mon goût, je m’attelle à voir toute l’oeuvre des réalisateurs que j’admire (Sydney Lumet, William Friedkin, Sam Peckinpah, ou alors John Carpenter que je regarde encore et encore à longueur d’année). Je fais des petites chroniques ciné pour partager les petites perles que j’aime avec mon entourage. Je tâche de développer une cinéphilie plus orientée sur une Histoire du cinéma et des œuvres complètes plutôt que sur les nouvelles sorties, mais je garde l’œil ouvert tout de même. L’immédiateté de l’actu me semble parfois moins intéressante que des carrières complètes sur lesquels tu peux avoir un recul plus personnel et critique.
Quels sont tes projets à venir ?
Faire avancer tous mes projets actuels. J’ai de quoi faire pour les années à venir ! Avec DeadMen on bosse sur notre premier album (après 2 EPs) et je veux tout donner pour qu’il soit un vrai aboutissement. Inhumate a encore quelques belles années devant lui avant sa fin (programmée et voulue depuis le début dans les années 90), donc on va faire de cette dernière ligne droite la plus sauvage et jouissive possible.
Continuer à profiter de la vie à la campagne avec ma femme, où on a trouvé notre équilibre et notre cocon à nous. Et puis boire du thé. Toujours boire du thé.
Ton thé préféré de notre boutique ?
J’en bois absolument tous les jours au travail, c’est mon petit instant réconfort.
D’ailleurs pour dire la vérité je suis à l’instant en train de boire Rose Noire, mon petit préféré (même si Fleurs de sagesse est excellent aussi, mais il s’avère que je l’ai fini). Bravo pour la qualité de vos produits !